La création d’entreprise dans l’espace OHADA
- Franck Kouassi
- 8 sept. 2021
- 8 min de lecture
La création d’une entreprise est un exercice palpitant et gratifiant qui repose
avant tout, sur une démarche de développement personnel et des projections
socio-économiques. Une entreprise au fond et dans la tête de tout
entrepreneur, est vouée à combler un vide entre un sentiment d’insatisfaction
présent et un projet de réussite individuelle et/ou collective futur.
La création d’une entreprise est un pari pris sur l’avenir…il faut déjà retenir
cela !
La création d’une entreprise est une aventure qui peut s’organiser autour trois
(3) grandes étapes :
1. La formulation de l’idée de projet ;
2. La formalisation du projet d’entreprise ;
3. L’accomplissement des formalités légales, administratives et
économiques.
Une idée de projet est une formulation, souvent assez vague et grossière de
ce pourquoi l’on souhaite créer une entreprise. On dira par exemple que …
« j’ai un projet de création d’une ferme ! » ou « j’ai un projet de création d’une
entreprise de prestation de services à domicile ! » ou encore « je me lance
dans l’industrialisation des bâtons de manioc ! », etc.
Mais l’idée de projet, n’est pas encore le projet en lui-même. De nombreuses
étapes devront encore être franchies pour voir en quelque sorte, ce rêve
d’entrepreneur devenir une véritable réalité entrepreneuriale. Toutefois, la
formulation claire et précise de l’idée de projet reste un passage essentiel et
déterminant dans l’aventure de la création d’entreprise. Il convient de
s’assurer déjà à cette étape, que l’idée de projet est cohérente avec le profil
du(x) porteur(s) du projet et pertinente dans sa justification socio-économique
et technique.
De manière générale, une idée de projet cohérente et pertinente se fonde sur
trois (3) critères :
une idée de projet en relation avec un talent ou un savoir-faire (manuel
ou conceptuel) du porteur de projet ;
l’identification d’un besoin ou d’une fenêtre d’opportunité qui justifiera
l’usage de ce talent ou de ce savoir-faire ;
une offre de valeur originale et attrayante qui pourrait combler le besoin
identifié.
Par la suite, une idée de projet cohérente et pertinente doit être « sortie de la
tête » de celle(s), de celui ou de ceux qui l’ont formulé pour être ensuite,
« couchée sur papier ». Il n’y a que par cette étape de la formalisation, que le
projet d’entreprise commence à prendre son indépendance vis-à-vis de son
initiateur et susciter de l’intérêt pour d’autres parties prenantes (associés,
banquiers, etc.).
Cette formalisation passe par une série d’études, dont les principales sont les
études économiques, techniques et juridiques.
Les études économiques se mènent d’une part, dans le cadre d’une étude de
marché (sommaire ou approfondie…cela dépend de la taille de l’activité) dont
les objectifs majeurs sont :
- vérifier l’existence du besoin (de la demande) et chiffrer le marché
potentiel en termes de parc adressables du produit ou du service ;
- questionner l’offre de valeur au regard de ce que proposent déjà
concurrents existants ;
- identifier les modalités de la commercialisation (produit, prix, promotion,
place) et d’approvisionnement (achats, transport, stockage, logistique,
etc.) ;
Les études économiques se poursuivent d’autre part, avec les projections
financières (le « business plan ») qui visent en réalité à ne démontrer qu’une
seule chose : « le fait que le projet rapportera dans le futur plus d’argent
ce qu’il ne coûtera aujourd’hui à ses promoteurs et/ou investisseurs ».
Ceci dit, il est alors très clair qu’en l’absence d’un business plan crédible, qu’il
est tout à fait hasardeux de chercher à investir soi-même dans la création
d’une entreprise ou de chercher à rallier d’autres investisseurs (banquiers,
bienfaiteurs, fonds publics, etc.) au projet de création d’une entreprise. Très
couramment d’ailleurs, les entrepreneurs estiment, à tort, qu’une forte intuition
concernant la faisabilité et la rentabilité de leur projet, les dispensent d’une
étude économique sérieuse. Or, l’intuition même étant un bon présage n’est
pas constitue pas encore le gage d’une réussite !
L’étude technique quant à elle, consiste à vérifier l’adéquation du facteur de
production (le travail humain et le travail machine) aux exigences
économiques qui naîtront du fait du projet. Il s’agit très concrètement de
prévoir les caractéristiques de la main d’œuvre (compétences, effectifs,
organisation du travail, etc.) et ceux des équipements (corporels, incorporels,
etc.) requis pour satisfaire convenablement le besoin identifié (la demande) en
fonction de la promesse contenue dans l’offre de valeur. Il s’agit aussi de
s’attaquer à la technologie (l’infrastructure intelligente à laquelle seront
connectés la main d’œuvre et les équipements) appropriée pour fournir le
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produit ou le service, ainsi que les procédés et les modes opératoires qui
seront utilisés. Les conclusions de l’étude technique, permettent d’affiner
l’étude économique (le business plan notamment) et d’asseoir définitivement
le caractère faisable ou non d’une idée de projet.
Concernant l’étude juridique, celle-ci tire tout d’abord sa source du droit civil et
pénal pour les aspects essentiels liés à la licéité du projet et à la capacité
juridique du ou des porteur(s) du projet. Par exemple, un projet portant
manifestement atteinte à l’ordre public (la commercialisation de drogue dure,
le braquage de véhicules, etc.) même faisable sur plan technique et
économique ne sera pas autorisé et restera si ses promoteurs y tiennent, une
entreprise dite « terroriste » ou « occulte ». De même, un projet faisable
techniquement et économiquement, mais porté par un mineur non émancipé
(qui a moins de 18 ans au sens de l’article 388 du code civil) est voué à
demeurer dans l’informel s’il doit se réaliser. Ensuite, parallèlement aux
aspects liés au droit civil et pénal, l’étude juridique se poursuivra de manière
plus approfondie sous l’angle du droit des affaires si éventuellement, le(s)
porteur(s) du projet a ou ont prévu que le projet soit porté juridiquement par
une société commerciale.
En effet, tout projet peut tout aussi bien être porté juridiquement par une
société régie par le droit commun (Association, Société civile, Etablissement,
etc.) ou par le Droit des affaires.
Dans le domaine du droit des affaires par exemple, dix-sept (17) pays africains
(Bénin, Burkina-Faso, Cameroun, Centrafrique, Côte d’Ivoire, Congo,
Comores, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée-Equatoriale, Mali,
Niger, République Démocratique du Congo, Sénégal, Tchad et Togo) sont
à ce jour signataires d’un important traité international, relatif à l’Harmonisation
en Afrique du Droit des Affaires. Par ailleurs, l’organisation qui porte ce traité
depuis sa signature en 1993 à Port-Louis, est connue sous l’acronyme de
O.H.A.D.A.
Le 30 Janvier 2014, les autorités de l’espace OHADA entre autres réformes,
ont paraphé et signé la version révisée du droit des sociétés commerciales et
du groupement d’intérêt économique (GIE). Dorénavant, cinq (5) principales
formes juridiques sont reconnues dans l’ensemble des Etats-parties au traité
OHADA :
- la société en nom collectif (SNC) ;
- la société en commandite simple (SCS) ;
- la société à responsabilité limité (SARL) ;
- la société anonyme (SA) ;
- la société par actions simplifiée (SAS).
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Certaines de ces formes juridiques (SARL, SA et SAS notamment) peuvent
être déclinées sous une forme unipersonnelle (s’il n’y a qu’un seul associé) ou
non (avec au moins deux associés).
En conséquence, une partie de l’étude juridique des porteurs de projets,
consistera à procéder au choix de l’une des formes juridiques admises dans
l’espace OHADA, en vue d’assure l’existence officielle et formelle de
l’entreprise. Dans certains secteurs d’activité, des textes spécifiques imposent
d’office la forme juridique à utiliser. C’est le cas par exemple du secteur
bancaire qui n’autorise d’autres formes juridiques pour les établissements de
crédit, que la forme de Société Anonyme avec Conseil d’Administration.
Le choix de la forme juridique dépend de nombreux facteurs cumulatifs, qui se
structurent généralement autour de la clarification des motivations socio-
économiques profondes du créateur de l’entreprise, du domaine d’activité
concerné, de la volonté de s’associer ou non, de la nécessité de garantir la
crédibilité de l’entreprise vis-à-vis des autres parties prenantes, etc.
Il convient toutefois de souligner qu’à travers la révision et même le rajout de
certains actes uniformes relatifs au droit des affaires, les autorités de l’espace
OHADA ont introduit des innovations majeures dans l’optique d’encourager
l’entrepreneuriat. Il s’agit entre autres, de :
la création d’un statut de l’entreprenant (article 30 du Droit commercial
général) en marge des formes juridiques admises (SNC, SCS, SARL,
SA et SAS) ;
la mise en place d’un cadre juridique spécifique pour les sociétés
coopératives, où on peut distinguer les sociétés coopératives simplifiées
(SCOOPS) et les sociétés coopératives avec conseil d’administration
(COOP-CA) ;
la possibilité d’utiliser les voies électroniques durant le processus de
création d’entreprise, en l’occurrence pour les formalités accomplies
auprès des registres du commerce et du crédit mobilier (article 82 du
droit commercial général, articles 256-1 et 256-2 du droit des sociétés
commerciales et du GIE) ;
l’assouplissement des modalités relatives à la publication des annonces
légales (article 257 du droit des sociétés commerciales et du GIE) ;
la possibilité pour les Etats-parties de prendre des dispositions
nationales spécifiques pour encadrer le montant du capital social requis
dans le cadre de la constitution d’une SARL (article 311 du droit des
sociétés commerciales et du GIE) ;
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l’autorisation d’effectuer désormais des apports en industrie (article 50-1
du droit des sociétés commerciales et du GIE) en plus des apports
classiques en numéraire et en nature, sauf dans les SA ;
la possibilité pour les fondateurs de l’entreprise, d’établir sans frais par
eux-mêmes une « déclaration de régularité et de conformité » en lieu et
place de la « déclaration notariée de souscription et de versement »
acquise à titre onéreux (article 73 du droit des sociétés commerciales et
du GIE) ;
l’introduction d’une nouvelle forme juridique, la société par actions
simplifiée (SAS), qui ne requiert pas de capital social minimum et dont le
mode d’administration, de direction et de contrôle est laissé à la seule
discrétion des associés dans le cadre des dispositions statutaires et/ou
extrastatutaires (articles 853-1 à 853-23 du droit des sociétés
commerciales et du GIE). La SAS consacre ainsi totalement le principe
de la liberté contractuelle en matière de droit des affaires OHADA.
Malheureusement, les principaux partenaires dans le processus de
création d’entreprise (les banques commerciales, les études notariales
et les administrations fiscales notamment), ne se sont pas encore
réellement appropriés toute la richesse conceptuelle de cette récente
forme juridique dans l’espace OHADA au point de continuer en ce qui
les concernent, de manière peut-être « insoupçonnée », à contenir
l’effet de levier extraordinaire que peux jouer la SAS pour le
développement des économies des Etats-parties et notamment, en
participant significativement, tout comme le statut de l’entreprenant, à
faire reculer plus rapidement les frontières du secteur informel;
l’introduction de nouveaux instruments juridico-financiers pour faciliter la
mobilisation des financements auprès des personnes et des institutions
(la clause de variabilité du capital social, les conventions
extrastatutaires, le nantissement des actions, les valeurs mobilières
composées, etc.).
Avant, pendant et/ou après les différentes études, on distingue généralement
une phase de recherche de financement dont la démarche devra s’adapter
aux principaux enjeux techniques et économiques, qui émergent à chaque
étape du cycle de vie du projet. Le(s) porteur(s) de projet pourra ainsi compter
sur ses propres fonds (ses économies), les capitaux mobilisés auprès de ses
proches (dits « love money ») et ceux collectés ensuite auprès
d’intermédiaires comme les plateformes de financement participatif
(« crowdfunding ») à l’instar de www.oukaley.com, les fonds de capital-risque,
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les financements publics, les banques, etc. Il s’agit ici d’une autre paire de
manche !
On note enfin, qu’à l’issue de l’étude économique, technique et juridique qui
peut conduire le(s) porteur(s) du projet à solliciter l’assistance de consultants
en vue de mener les études appropriées, il ne restera qu’à accomplir les
formalités légales et économiques.
Les formalités légales sont celles qui permettront à l’entreprise d’acquérir une
personnalité juridique, distincte ou non, de celle du ou des fondateur(s). Cette
personnalité juridique est consacrée par l’obtention d’un numéro
d’immatriculation au Registre du Commercer et Crédit Mobilier (RCCM). Ces
formalités peuvent être accomplies pour tout ou partie, par l’intermédiaire d’un
notaire agréé, qui selon la forme juridique choisie collectera entre autres, les
informations relatives :
- à l’identité du ou des fondateurs (carte d’identité, photos, etc.) ;
- à lieu d’établissement du siège social (à travers le contrat-bail) ;
- à l’activité de l’entreprise (le business plan) ;
- au cadre juridique prévu (le projet des statuts).
Les formalités économiques concernent principalement l’identification de
l’entreprise par les services des impôts (en tant que nouveau contribuable) et
par ceux de la comptabilité et des statistiques nationales. Ces formalités
économiques se poursuivent et s’achèvent enfin, avec l’ouverture d’un compte
bancaire destiné à recevoir la part libérée du capital social, requise aux termes
des dispositions statutaires.
Dans les Etats-parties au traité OHADA, les autorités nationales avec l’appui
des organisations internationales (la Banque mondiale notamment),
conduisent depuis quelques années le vaste chantier de l’amélioration du
climat des affaires. L’un des piliers de ce chantier est celui de la création dans
chaque Etat-parties, d’une sorte de « guichet unique » pour l’accomplissement
des formalités de constitution d’entreprise. Les objectifs essentiels de ces
guichets, appelés dans certains pays « Centres de Formalités des
Entreprises » (CFE) ou « Centre de promotion des investissements » ou
encore « Guichet Unique de Création d’Entreprise » sont d’une part, de
raccourcir les délais de constitution (au maximum à 48 heures) et d’autre part,
de réduire de manière drastique les frais de constitution payés par les
fondateurs.
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Une fois les formalités légales, administratives et économiques achevées, le
rêve de(s) porteur(s) de projet prend à peine corps et il(s) ne peut ou ne
peuvent plus faire marche en arrière. Les préoccupations stratégiques et
managériales quotidiennes, se substituent aux « tracasseries » de la création
d’entreprise qui deviennent du coup, un lointain souvenir. C’est désormais,
d’autres challenges qui émergent…ceux relatifs à la quête de la performance
durable et de la pérennité organisationnelle. Si ces nouveaux défis remportent
le succès attendu…le(s) créateur(s) de l’entreprise, rejoindra ou rejoindront la
célèbre et si sélective liste de HEROS DE L’ECONOMIE !
Par Franck KOUASSI,

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